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Quand Machiavel rencontre Ésaïe : la collision des particules politiques

lundi 1er septembre |  385 visites  | 6 commentaires 

Face à la menace qui fissure le présent et l’incertitude qui désagrège l’avenir, sur quel principe le prince doit-il fonder sa décision : sur le calcul de la puissance et l’efficacité pragmatique, ou sur la fidélité à une loi morale transcendante ?

Imaginez l’accélérateur. Deux particules politiques élémentaires, de spin opposé, propulsées à des énergies conceptuelles vertigineuses. Dans un angle, la particule-Ésaïe, massique, chargée d’un signe divin. Dans l’autre, la particule-Machiavel, agile, nimbée de la froide lueur de la verità effettuale. Leur collision n’est pas un anéantissement. C’est une génération. Une déflagration de sens qui fait émerger de nouvelles particules composites, étranges, qui éclairent l’obscure mécanique (quantique ?) du pouvoir.

Voici le champ de forces. D’un côté, Jérusalem, VIIIe siècle. La coalition ennemie cerne la cité. Le roi Achaz tremble. La particule-Ésaïe entre alors dans la chambre de combustion. Son message est un neutrino, presque indétectable pour les sens ordinaires du politique : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas. » Sa proposition est un paradoxe : la force naît de la quiétude, la sécurité procède du renoncement actif à la sécurité. Elle oppose à la raison des armes la déraison de la foi, à l’alliance avec l’Assyrie superpuissante la fragile promesse d’un signe nommé Emmanuel. Sa loi est transcendante, antérieure et supérieure à l’État. L’État n’a de légitimité que s’il se conforme à la Loi.

Face à elle, la particule-Machiavel. Florence, XVIe siècle, la renaissance. L’Italie n’est qu’une expression géographique. Le conseil du Florentin est un boson, il transmet la force de la nécessité. Pour faire tenir l’être-ensemble, il faut non pas croire, mais voir. Voir la « chose effective », la nature humaine, constante et cupide. La particule-Machiavel conseillerait à Achaz de calculer froidement le rapport de force. De s’allier à la puissance assyrienne, fût-elle dangereuse, pour écraser l’ennemi immédiat. La survie de l’État est le seul impératif catégorique. La fin - la stabilité, l’ordre, la grandeur - sanctifie les moyens. La morale est un outil de gouvernement, non son fondement. Ici, la Loi est immanente, elle émerge du jeu des forces et de la virtù du prince pour les dompter.

Collision.

Dans l’anneau de l’histoire, ces deux particules s’entrechoquent. Le choc est violent. Il ne produit pas un vain bruit de doctrines contraires. Il génère un spectre de concepts hybrides, de nouvelles configurations de la pensée politique.

  • Première particule composite : la Virtù prophétique. Que devient la virtù machiavélienne, ce mélange de courage, d’intelligence et de force, si on la soumet non plus à la raison d’État, mais à la justice d’Ésaïe ? Elle ne s’annule pas. Elle se sublime. Elle devient le courage non plus de conquérir, mais de résister. La ruse non plus pour tromper, mais pour déjouer les idoles du moment. La force non pour opprimer, mais pour tenir ferme dans la tempête, seul contre tous, redevable (accountable) seulement devant le tribunal de la conscience et du Transcendant. C’est une virtù paradoxale, toute entière ordonnée à la fidélité.
  • Seconde particule étrange : le Réalisme transcendant. Ésaïe n’est pas un naïf. Son diagnostic géopolitique est d’une lucidité implacable. Mais il lit la crise à une autre échelle. La cause racine n’est pas militaire, elle est spirituelle : l’infidélité. La solution n’est donc pas technique, mais éthique et existentielle : la foi, la repentance. C’est un réalisme radical qui considère que négliger la dimension morale, c’est se tromper grossièrement sur la « vérité effective » de la situation humaine. C’est Machiavel qui, en ignorant le transcendant, ferait preuve d’un idéalisme appauvri, d’un matérialisme myope.
  • Dernière émergence : la Prophétie comme contre-pouvoir institutionnel. Machiavel, dans son Discours sur la première décade de Tite-live , loue les conflits institutionnalisés de la Rome républicaine qui, en équilibrant les humeurs des grands et du peuple, généraient liberté et puissance. La figure du prophète, dans le système hébraïque, est l’incarnation de ce contre-pouvoir absolu. Indépendant, institué par rien d’autre que sa parole, il est le gardien des lois fondamentales face à la dérive autocratique de l’exécutif. Le prophète est le mécanisme de régulation qui empêche la virtù de dégénérer en tyrannie. Machiavel, s’il l’avait observé, y aurait peut-être vu le chef-d’œuvre politique qui manquait à son système : un frein et un aiguillon métaphysique.

Alors, que reste-t-il après la collision ? Un nuage de possibilités.

Il ne reste pas un vainqueur. Il reste la tension elle-même, devenue ressource. Le prince moderne, héritier de ce choc des particules, ne peut plus être purement machiavélien sans perdre son âme. Il ne peut plus être purement isaïen sans risquer de tout perdre.

Sa mission est de naviguer dans le champ de forces créé par cette collision. D’avoir l’agilité tactique, la virtù pragmatique de Machiavel pour analyser, anticiper et agir dans la complexité du monde. Mais en gardant toujours allumée la boussole morale absolue d’Ésaïe, qui rappelle que la puissance n’est légitime que si elle sert une justice qui la précède et la dépasse.

La conclusion n’est pas une synthèse. C’est une vibration permanente. Un équilibre dynamique et instable, qui est peut-être la définition la plus juste de l’art de gouverner des démocraties modernes : être efficace sans renier ses principes ; défendre ses principes sans renoncer à être efficace. Tenir les deux bouts de la chaîne. Réaliser l’intrication, dans la même décision, de la particule-Ésaïe et la particule-Machiavel.

La particule Churchill : la réification de la tension

L’accélérateur avait produit des concepts théoriques, des particules composites aux noms étranges : Virtù prophétique, Réalisme transcendant. Mais l’histoire, ce grand laboratoire, en a fourni la vérification expérimentale. L’événement est une particule politique rare, observable dans des conditions de pression extrême : mai 1940.

Le champ de force est connu : la France s’effondre, les armées britanniques sont acculées à Dunkerque. Le cabinet de guerre britannique devient la chambre de collision. Deux particules s’y affrontent.

La particule-Halifax incarne la verità effettuale machiavélienne. Le Secrétaire aux Affaires étrangères, pragmatique, pose un calcul froid : l’empire britannique est seul face à la machine de guerre nazie, toute-puissante et invaincue. La raison d’État commande d’explorer la médiation de Mussolini pour négocier une paix. Le but : sauver l’État, préserver l’essentiel de l’être-ensemble face à une annihilation probable. C’est la logique de la nécessité, du realpolitik le plus pur. Achaz s’alliant avec l’Assyrie.

Face à elle, entre en collision la particule-Churchill. Son spin est différent. Pour lui, accepter la médiation du fascisme, c’est déjà capituler. Sa position semble relever de la folie stratégique. Mais elle ne puise pas sa source dans un calcul de probabilités militaires. Elle s’aligne sur une loi transcendante : il existe un mal absolu (le nazisme) avec lequel aucun pacte n’est moralement concevable. La fidélité à cette loi, la défense de la civilisation libérale et humaine, prime sur l’évaluation pragmatique des chances de survie. C’est la position d’Ésaïe : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas ». Croire en la possibilité de la victoire, même face à l’impossible.

La collision est violente. Halifax brandit la raison. Churchill invoque l’honneur.

Mais ici, la physique politique de Churchill devient géniale. Le leader isaïen ne se contente pas de proclamer sa foi en une loi transcendante. Il l’ancre dans l’immanence du peuple souverain. Sa visite dans les abris du métro de Londres n’est pas une simple opération de communication ; c’est un acte de vérification prophétique. Il va chercher, dans le sentiment de la plèbe, la confirmation de sa position. Il consulte le « contre-pouvoir » démocratique. De même, le soutien du Roi George VI n’est pas anodin : c’est la recherche d’une légitimité institutionnelle supérieure, l’équivalent moderne de l’onction divine.

Churchill ne fait pas le choix d’Ésaïe contre Machiavel. Il opère une synthèse supérieure. Il comprend que la ressource ultime, la virtù qui peut vaincre la fortuna nazie, n’est pas matérielle mais spirituelle. Elle réside dans la volonté d’un peuple prêt à payer le prix du sang, du labeur, des larmes et de la sueur pour sa liberté. Sa décision, en apparence purement « isaïenne » (le refus de pactiser avec le mal), est en réalité la stratégie machiavélienne la plus profonde : il identifie la source réelle du pouvoir, le moral de la nation, et la mobilise tout entière. Il mise sur la virtù britannique.

La fin que l’on connaît valide expérimentalement la particule composite. Le choix qui semblait le plus risqué, le plus irréaliste au sens machiavélien étroit, s’avère être le seul réaliste au sens transcendant. La fidélité absolue à un principe moral (pas de paix avec le mal) a été la condition de possibilité de la survie effective de l’État. La loi a sauvé la cité.

Ainsi, la particule-Churchill, incarnation de cette vision, devient le modèle achevé de la tension féconde. Elle démontre que le réalisme le plus efficace peut être d’obéir à une exigence qui le dépasse. Le leader démocratique n’a pas à choisir entre la pureté morale impuissante et l’efficacité cynique. Sa mission est de trouver dans la fidélité aux principes la source la plus profonde de la virtù collective. Et de forger dans cette collision permanente la force de vaincre.

La boussole n’indique plus le nord magnétique de la simple raison d’État, mais le nord vrai de la Justice. Et c’est en se calant sur ce nord vrai que l’on trouve, en dernier ressort, le chemin de son propre salut.

Jenny Apollinaire.

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6 commentaires

Vos commentaires

  • 1er septembre à 09:22 | Gérard (#5118)

    C’est quoi ce charabia ?

    Répondre

    • 1er septembre à 10:02 | MALIBUC (#9345) répond à Gérard

      C’est vrai qu’il faut être intelligent et instruit pour comprendre, mais apparemment ce n’est pas votre cas !

    • 1er septembre à 11:08 | bekily (#9403) répond à Gérard

      Hihi
      Pour la compréhension...
      Il serait difficile de se mettre au niveau d’un Gérard ou d’un gepette...
      Au préalable mieux vaudrait alors être imbibé de betsabetsa....
      Car serait« betise » tout ce que le gepette est incapable de suivre....

    • 1er septembre à 11:36 | bekily (#9403) répond à Gérard

      Mais je conçois que ce « pavé » n’est d’aucun interet pour un éditorial...
      Il suffit de donner la référence pour que toute personne intéressée s’y reporte....

  • 1er septembre à 14:45 | Vohitra (#7654)

    L’article entretienne une confusion voulue entre le temporel et l’intemporel...

    A cet âge de l’histoire, il y avait une fusion parfaite entre le pouvoir détenteur de l’autorité politique et la force et ressource spirituelle. Et le pouvoir judiciaire même se trouvait entre les mains et les volontés des chefs spirituels qui avaient droit de vie sur les citoyens, le « sanhédrin »...

    Et l’intemporel était le « royaume divin » gouverné par la loi divine sans qu’il y avait de législateur ni de dirigeants humains nés de la chair...

    Ainsi, Juda et Israël n’étaient qu’un royaume des hommes dans l’attente de la manifestation de l’intemporel.

    Des siècles plus tard, le temporel s’était maintenu avec le traité de Balfour ainsi que l’irrationnalite de la planification « Sykes-Picot » sous un mandat britannique injustifié et source de malheur et troubles...

    Et il ne faut pas perdre à l’esprit que beaucoup parmi les riches banquiers de l’époque avaient, motivés par la cupidité dévorante, accepté de financer la réarmement de la « 3ème Reich » dès l’année 1935...y compris les banquiers londonien.

    Bref, Machiavel était un brillant « penseur » qui avait mis en lumière les voies et moyens pour conserver l’autorité sans qu’il y soit nécessaire de faire appel à la répression brutale et physique...

    Répondre

    • 1er septembre à 18:07 | Vohitra (#7654) répond à Vohitra

      En somme, dans le schéma proposé, il y a de forte probabilité de l’apparition d’une collusion entre crapules au lieu d’une collision entre particules...

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